Nous remercions l'Action Familiale et Scolaire de nous avoir autorisé à publier ces réflexions de Rémi Fontaine sur l'avenir des retraites. Cet article paru il y a quelques années est toujours d'une actualité troublante : les réformettes successives ne sont d'aucun effet tant que ne sont pas abordées courageusement les questions de fond, bien évoquées par lauteur.
Avec les 35 heures et l'aménagement du temps de travail, les fameux «trois huit» de la productivité industrielle sont devenus bien obsolètes. Avec la baisse de l'âge de la retraite conjuguée à l'allongement continu des études et à celui de la durée de vie, une autre équation symbolique pourrait bien exprimer à la fois l'idéal et l'utopie de notre société : les 3 trente ! Équation évidemment approximative et piégée qui résume l'absurdité actuelle de notre système économique et social.
TRENTE ANS D'ACTIVITÉ
POUR DEUX FOIS
TRENTE ANS D'INACTIVITÉ
Je m'explique: à une époque où la plupart des jeunes (démographiquement de moins en moins nombreux) passent la plupart de leur temps (de deux-trois ans à vingt-cinq-trente ans) sur le banc des écoles et des universités, du fait de la «démocratisation» obligatoire des études, on voudrait maintenant financer 20, 30, 40 ans d'«inactivité» pour un nombre toujours croissant de personnes du troisième et du quatrième âge, du fait de la retraite à 60 ans (voire 50 ou 55 ans pour certaines catégories de fonctionnaires) et de l'accroissement de l'espérance de vie. Comment entretenir ces deux populations d'«inactifs», sinon en faisant supporter au petit troupeau d'«actifs» restant (toujours plus restreint), pendant trente ans environ, ce poids grandissant d'étudiants à charge et surtout de retraités «à perpétuité»? Sans même parler du problème spécifique de l'«inactivité» des chômeurs et de certains fonctionnaires...
D'où cette équation éloquente des «3 trente», funeste moyenne vers laquelle tend la France, l'un des pays dans lequel on travaille le moins, avec en outre l'obligation des trente-cinq heures. Nous avons déjà les taux d'activité les plus faibles pour les moins de 25 ans et pour les plus de 55 ans, alors que nous travaillons quelques centaines d'heures de moins par an que dans la plupart des autres pays européens. Si l'on n'y prend garde, au nom des «droits acquis» et des «conquêtes sociales», c'est vers une sorte de retour à l'esclavage que l'on court, en prenant ce reliquat d'«actifs» véritablement pour des bêtes de somme. Comme la «société égalitaire», ce projet d'une «société d'inactifs» va contre la pente naturelle des hommes et des choses. On peut s'en approcher dans la mesure du possible, dans une sorte de défi permanent au bon sens. Mais il faut et il faudra de plus en plus y employer la contrainte. A l'image du régime soviétique.
On imagine bien que ce n'est pas par les réformettes (touchant par exemple la retraite ou l'Éducation nationale) proposées actuellement par quelques hommes politiques qu'on pourra échapper à ce régime socialiste, mais par une véritable révolution nationale remettant le travail, la famille et la liberté au coeur de notre politique économique.
MENSONGE
PAR OMISSION
Contre la stérile et massive prolongation des études, Henri Charlier proposait déjà la «déscolarisation» progressive et massive des âges et des professions qui n'ont rien à faire sur les bancs des écoles.
Sur les retraites et la tare fondamentale du système, tout a déjà été dit notamment par des auteurs comme Jacques Bichot, ancien président de Familles de France : pas d'enfants, pas de retraites! On continue pourtant de faire comme si les enfants n'étaient pas nécessaires au fonctionnement des régimes de retraites.
- «Ce Sauvy nous assomme avec son histoire de natalité et ses propos pessimistes sur l'avenir de notre système de retraite. Moi, j'ai cotisé, je toucherai ma pension», écrivait il y a déjà un certain temps, une célèbre journaliste dans son billet du Monde. Les mentalités n'ont guère changé.
- «Mais, madame, lui répondait Sauvy, vous me dites que vous avez payé vos cotisations et donc que vous aurez droit à votre pension, que les enfants n'ont rien à faire là-dedans. Détrompez-vous, vous avez payé votre cotisation, mais moi je suis à la retraite et votre cotisation c'est à moi qu'on la donne. Et je la dépense jusqu'au dernier sou. Je vous en remercie beaucoup. Mais ne comptez pas sur elle pour vos vieux jours; elle sera épuisée. Par contre, quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle, vous
serez contente qu'il y ait eu des couples qui aient mis des enfants au monde, parce que ce sont les cotisations de ces enfants qui paieront votre retraite à vous».
On fait croire à chacun qu'il paie sa retraite, comme s'il épargnait - ce qui serait le cas dans un système par capitalisation - mais c'est faux. Les cotisations d'une année ne servent qu'à payer les retraites de cette même année. Ce sont les cotisants (actifs) qui paient les retraites des inactifs.
Rien ne s'oppose à ce que l'on prenne sa retraite à 60 ans, 55 ans, ou même avant si l'on veut, mais seulement dans un système d'épargne personnelle et professionnelle (exempt de solidarité et honni par nos dirigeants), pourvu qu'on ait épargné un capital suffisant ou acquis un droit à rente viagère correspondant. Tout dans notre système actuel s'y oppose! Le droit à la retraite, en effet, est une créance, résume Jean-Gilles Malliarakis :
«Ou bien il correspond à une épargne effective personnelle, ou bien cette créance est calculée selon des modes de répartition et de capitalisation, sur la base d'années ouvrées, de cotisations versées, de points achetés. Dans tous les cas, il convient de calculer le rapport entre cette créance, fruit d'années de labeur ou de sacrifices et la rente viagère correspondante. En aucun cas, on ne peut donc imaginer, et encore moins proposer, que l'âge moyen de la retraite diminuerait dans une société où les études se prolongent et où la longévité augmente».
Le système actuel de retraite «par répartition» est valable, efficace. Il n'est celui d'une authentique «solidarité» qu'à la condition qu'il y ait assez d'actifs à cotiser pour entretenir des générations dont l'espérance de vie ne cesse de s'accroître. Le reste est littérature et mensonge par omission. Il n'y a pas de «génération spontanée» pour payer les retraites à venir... La véritable solidarité est indissociable de la responsabilité, à commencer par la responsabilité en matière de politique démographique et familiale.
QUELLE POLITIQUE FAMILIALE ?
On s'émeut aujourd'hui à «droite» et à «gauche» quant au problème du paiement des retraites, mais on omet de dire toute la vérité au public : une nation qui tue (et limite) ses propres enfants n'a pas d'avenir! La politique de dissuasion nataliste menée par Chirac-Veil-Roudy-Aubry depuis des années condamne le problème des retraites à l'impasse. La politique anti-familiale des uns et des autres, jusqu'au PACS, condamne la France à la gérontocratie avant son propre suicide... Il n'est pas normal que des célibataires, des couples sans enfants ou même avec un seul enfant, ne partagent pas avec ceux qui ont plus d'enfants les frais inhérents à l'éducation et à l'entretien de ces enfants, étant donné qu'ensuite ils partagent les uns avec les autres les cotisations venant des enfants en question. Aujourd'hui, ce sont ceux qui préparent réellement l'avenir des systèmes de retraites (les familles nombreuses) qui sont le plus pénalisés et touchent le moins de pensions, comme le souligne constamment Familles de France.
L'apport en nature des couples ayant de nombreux enfants au profit des couples ou des personnes seules qui en ont moins exige une contrepartie : un apport en argent de ces derniers vis-à-vis des
premiers pour que chacun y trouve son intérêt, pour que chacun soit traité proportionnellement à la contribution qu'il apporte, selon la réalité économique qui est l'échange entre les générations. Étant donné que les cotisations actuelles pour la retraite ne servent à rien pour ce qui est du financement des retraites futures, ce sont les modes d'attribution des droits à la retraite qu'il faudrait complètement changer, selon les critères de la «justice générale». Au-delà de l'affaire des fonds de pension, qui a le mérite de lancer une première alerte, c'est une véritable révolution morale et politique qu'il s'agit de faire, comme le suggère Jacques Bichot, dans son livre Quelles retraites en l'an 2000? Avec un certain nombre de propositions judicieuses, son appel aux hommes politiques tient essentiellement à ceci :
«Contentez-vous de faire en sorte que justice soit rendue aux
familles, de faire en sorte que la nation rembourse l'énorme dette
qu'elle contracte à leur égard. Visez l'équité, la natalité (et la
réponse au problème des retraites) vous sera donnée par surcroît».
Rémi Fontaine
in AFS n° 157
BP 80833 - 75828 Paris Cx 17