Avez vous le remède pour faire baisser l’absentéisme ? On a bien une prime d’assiduité… L’absentéisme est pris en compte dans le calcul de l’intéressement…On a demandé des contrôles…Combien de fois ces propos ne sont ils pas évoqués entre dirigeants !

Notre réponse est : avez-vous bien cherché les causes profondes de cet absentéisme? Ne l’avez-vous pas encouragé, sans le vouloir, par des mesures globales, des carences dues à l’organisation, des attitudes déficientes du management…

Se borner à invoquer le médecin qui…, la sécu que…, le « jemenfoutisme » des collaborateurs…c’est dans un très petit nombre de cas raisonner justement. Mais…

Quand une entreprise constate qu’en fabrication, un fort taux d’absentéisme pour maladie est inférieur à 3 jours, qu’il suffit d’une remarque du chef d’équipe pour que le collaborateur se « mette en caisse », que même les représentants légaux du personnel notent la facilité avec laquelle les « jeunes » tombent malades…, il convient d’analyser avec rigueur les modes de fonctionnement qui ont cours dans l’entreprise. Pour éliminer d’abord ce que l’on pourrait nommer « l’absentéisme de convenance ».

C’est ce à quoi se livrent des entreprises associées aux travaux du CPE.

1er constat : le laxisme dans le suivi du personnel


L’absent informe le service du personnel qui transmet au service concerné. Le principe qui voudrait que le « malade » prévienne son patron direct – règle de bon sens et de courtoisie, qui de plus figure dans les termes du contrat de travail- n’est pas respectée. Aucun rappel à l’ordre n’est fait. Certains vont même jusqu’à ne pas prévenir ou se contentent d’envoyer l’arrêt de travail.

2e constat : non prise en compte par le management des situations personnelles réelles

Un cas significatif parmi d’autres : un bon opérateur, aux compétences très spécifiques et appréciées, demande à changer pendant quelques temps ses heures de faction, afin de pouvoir s’occuper de ses enfants, suite à l’hospitalisation de son conjoint. Refus du management sous prétexte de la désorganisation des équipes, de la présence indispensable dudit opérateur. Enfin, dans le cadre des accords, les journées de RTT des personnes qui travaillent en 4 x 8 ne peuvent être modifiées pour convenance personnelle. L’arrêt de travail pour raisons médicales ne tarde pas à arriver ! L’intransigeance du manager et l’application aveugle du règlement contraignent le collaborateur à tricher.

3e constat : conditions de travail difficiles et génératrices de stress, tout particulièrement dans certains secteurs bien circonscrits.

4e constat : l’organisation sans les hommes

En raison de la spécificité de l’entreprise ( industrie lourde, complexité du process, feu continu…) les décisions sur l’organisation du travail, l’aménagement des postes… « tombent » de « là-haut », sans discussion avec les personnes qui sont en prise directe avec les problèmes. Des questions sans réponse, des suggestions sans suite…Il est vrai qu’il y a difficulté à impliquer toutes les personnes qui se relaient ; alors les services supports se substituent à elles…De tout cela découlent un manque d’intérêt dans le travail, le produit, les clients, une démotivation, une déresponsabilisation…qui jouent sur le taux d’absentéisme de convenance.

Les hommes sont gérés mais pas dirigés

Quel peut être le sentiment d’utilité et d’appartenance d’une personne à une communauté dans ces conditions ? Présent ou pas, l’entreprise fonctionne en faisant appel à des intérimaires. Là ou pas, « ils » décident ; je n’ai pas mon mot à dire…Il est paradoxal de constater que l’on ne s’intéresse à l’individu que lorsqu’il est…absent, parce qu’il coûte ! Les personnes ne sont pas traitées comme des êtres uniques, spécifiques mais comme une « ressource ». L’anonymat règne en maître et favorise laisser-aller personnel, facilité, voire magouille et combine.

Il est clair qu’une telle situation n’appelle pas UN remède mais un ensemble de petites mesures qui visent toutes à sortir les personnes de l’ombre ! Pour cela, il faut revaloriser le rôle du supérieur hiérarchique immédiat, qui, le premier, supporte les conséquences de l’absence, avec les membres de son équipe. De plus, est il anormal qu’un patron d’équipe s’intéresse à un collaborateur en difficulté ? Un collaborateur absent pour des raisons sérieuses ne peut qu’être reconnaissant que son boss s’intéresse à sa situation ; par contre celui qui a quelque chose à se reprocher constate qu’il est suivi, repéré, « dans le collimateur » ! On y gagne en crédibilité à tous les coups !

Quelques mesures mises en oeuvre :

1 - Recentrer l’action sur l’encadrement direct
  • Le responsable direct gère au quotidien et de façon nominative l’absentéisme de son équipe
  • Rappeler la pratique de bon sens, parce que génératrice de courtoisie et d’efficacité qui consiste à prévenir le chef direct ; en cas de non respect, rappel à l’ordre. Etre intransigeant sur ce principe.
  • Corollaire de ce premier point : à l’attention du service du personnel ou de tout autre personne du management, du standard… : l’appel est renvoyé au chef direct, dont la mission est de suivre son personnel.
  • Le chef direct s’inquiète de l’état du collaborateur dès le 1er jour d’absence : un appel en fin de journée, justifié déjà par la seule relation humaine, l’est d’autant plus qu’il s’agit d’organiser l’équipe, le travail…à venir. C’est un moyen de renforcer le lien entre l’entreprise et le salarié, de lui faire sentir l’importance de son rôle.
  • Pratiquer systématiquement les entretiens de retour d’absence : un collaborateur qui revient d’absence doit, quel que soit le motif de l'absence, être "reconnecté" à l'entreprise. Dans tous les cas, c'est manifester une marque d'intérêt...quant au tricheur, il se sent suivi ! Et ce d'autant qu'en cours de journée, il pourra reçevoir la visite d'un dirigeant, qui très civilement, viendra prendre de ses nouvelles !
  • Traiter personnellement le cas de chaque collaborateur ; un manager n’est pas une machine à appliquer les règlements ; il doit prendre en compte les situations réelles, notamment de ceux qui contribuent le plus à l’efficacité de l’équipe ; si une difficulté se fait jour pour trouver des arrangements, les services sociaux de l’entreprise sont là pour aider le management.En aucun cas, un chef ne peut être contraint de "bricoler" en cachette, à l'insu de l'organisation, pour être juste ! Il doit être clair qu'un patron d'équipe doit avoir le pouvoir d'interpréter les règlements.
  • En cas d’accident, le manager direct se rend disponible pour accompagner la personne à l’infirmerie ou à l’hôpital, quelle que soit la gravité de la blessure.

2 – Impliquer le collaborateur dans tout ce qui le touche


A cette fin,
  • développer dans tous les secteurs les courtes réunions de démarrage par le chef d’équipe lors de la prise de poste : faire le point de la journée précédente, évoquer la journée qui démarre, diffuser un certain nombre d’informations ;
  • multiplier les groupes d’amélioration continue qui permettent de brasser, de travailler et de suivre idées et suggestions des acteurs des différentes factions,
  • mettre en place un groupe de travail spécifique avec les opérateurs concernés sur les conditions de travail qui peuvent engendrer des difficultés particulières pour ceux qui les subissent (stress, accidents, troubles…)

3 – Action sur l’environnement
  • Accroître les rôles de l’infirmière et de l’assistante sociale, interlocutrices qui doivent aider aussi le management à bien assumer sa mission (alerter, prévenir, informer, consulter…tout en respectant la nécessaire discrétion sur les situations rencontrées).
  • Développer la possibilité d’offrir des postes « allégés/aménagés » aux salariés pendant ou au retour d’accidents de travail. Par exemple, proposer dans le service d’origine, une fonction liée à la sécurité (carte de bruit, rangement…)
  • Proposer au médecin du travail de participer à des groupes de travail afin de le sensibiliser aux spécificités de l’entreprise.
  • Veiller à ce que l’organisation du travail ne favorise pas les absences de convenance : par exemple, ne peut-on ménager dans les « droits à RTT » 3 ou 4 jours qui seraient modulables ?

4 – Mise en place du tableau « vie de l’équipe »

De même que peuvent être affichées dans le secteur de l’équipe des informations relatives à la production, la qualité, les incidents, le suivi de suggestions… de l’équipe, peut être créée une rubrique « vie de l’équipe ». C’est un état des lieux quotidien des membres de l’équipe, y compris du manager, qui mentionne sous forme d’un tableau QUI est Où, QUAND, POUR QUOI… Ce tableau à deux entrées, mentionnant les jours et les noms, permet de visualiser la vie de toute l’équipe : Congés (CP) – RTT – Formation (For) - Fournisseur (F)– Client (C) – Maladie (M) – Accident du travail (AT) – Représentation du personnel ou des syndicats (CE ou DP ou DS) – Délégation d’un collaborateur dans un autre service (Dél) …

NB. Cette mesure, appliquée isolément de toutes les autres, serait à juste titre vue comme un « flicage », surtout si elle en exclue le chef de l’équipe et qu’elle est gérée par le service RH ! C’est un outil pour l’équipe, tenu à jour par l’équipe…au même titre que les autres communications figurant sur le tableau d’affichage de l’équipe.

La conjonction de toutes ces mesures dont aucune n’est exclusive de l’autre permet de recréer des liens et donc de lutter efficacement contre l’anonymat, source d’abus de tous ordres. Peu à peu et très rapidement, ce suivi personnalisé contribue à la diminution de l’absentéisme de convenance. Alors, il ne reste plus qu’à s’intéresser aux « cas », qu’ils soient réels et sérieux ou de "filouterie" avérée, mais toujours au cas par cas.

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