"AMÉLIORER
LA GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
ET LA PARTICIPATION DES SALARIÉS"

   C'est sous ce titre que l’économiste Salima Benhamou a rédigé un rapport que le Conseil d’Analyse Stratégique (?) vient de remettre à la ‘Secrétaire d’État chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique’(ouf !), Nathalie Kosciusko-Morizet.

   Tout pratiquant de l’entreprise sait d’expérience que l’implication des collaborateurs dans la vie de l’entreprise est source d’efficacité, mieux, de fécondité.

   On pourrait s’attendre à ce que les pistes d’action proposées invitent les dirigeants à créer des situations où chacun trouverait un plus vif intérêt personnel à bien servir l’intérêt de l’entreprise.  Ce qui demande au quotidien, dans toutes les actions de management, de veiller à respecter le domaine de responsabilité de chacun, de personnaliser la relation de travail de sorte que chacun se sente personnellement reconnu pour ses compétences, son potentiel, ses forces…et ses faiblesses. Autant de préoccupations qui doivent être celles des directions, cadres, chefs de service, agents de maîtrise, techniciens, services supports - bref, tout ce que nos entreprises comptent de personnes d’influence, qui ont charge de manager – de ménager – ce que certains appellent « ressources » humaines.

   Eh bien, non ! Trop éloignés des réalités du quotidien, les auteurs préconisent d’améliorer

-      *    le fonctionnement des conseils d’administration, entre autres, par une plus grande implication des organisations représentatives (ou dites telles – ndlr),

-       *   les dispositifs relatifs à la participation financière,

-       *  la diffusion de l’information des entreprises et des salariés.

   Certes, il est à noter que les propositions visent à « réconcilier les objectifs des différents acteurs de l'entreprise » et ainsi à laisser de côté les idéologies d’affrontement ‘dirigeants contre salariés’.

   De même si le rapport affirme péremptoirement que « le comité d’entreprise est l’organe pivot du droit collectif à l’information du salarié »(p.49),  il dresse un constat très intéressant :

 « les salariés sont nettement plus portés à s’adresser directement soit à leurs supérieurs immédiats, soit à la direction, pour exposer leurs problèmes au sein de l’entreprise. Ils sont par exemple 86 % à choisir cette solution en cas de mauvaises conditions de travail. De même, seuls 20 % des salariés ont recours aux représentants du personnel en cas de mésentente avec un supérieur. Ainsi, les relations entre salariés et représentants du personnel « ne semblent pas aller de soi ». Si les salariés sont 90 % à savoir qu’il existe un représentant du personnel, ils sont très peu à percevoir son action. Moins de 25 % d’entre eux ont participé à une réunion organisée par le comité d’entreprise ces trois dernières années. Bref, les représentants du personnel apparaissent comme « un canal d’information secondaire ». Les salariés indiquent, en grande majorité, être informés d’abord par leur direction ou leur encadrement. Salariés comme dirigeants ne verraient pas le besoin de recourir au comité d’entreprise pour s’informer mutuellement » (p.75)

   Quelle proposition les auteurs formulent-ils de ce constat qui dénote, somme toute, un fonctionnement assez satisfaisant pour ceux qui vivent l’entreprise au quotidien  ?

« Proposition n° 12 : Renforcer la crédibilité des institutions représentatives du personnel

L’enjeu est aussi de favoriser la circulation d’information et l’efficacité des processus de consultation au sein de l’entreprise. Cela passe notamment par le renforcement de la crédibilité des institutions représentatives du personnel (IRP) auprès des salariés » (p.119).

   Enfin, est-ce bien à l’État de mettre en œuvre des mesures qui devraient exclusivement être du ressort des organisations professionnelles et donc de l’initiative des gens compétents, responsables et intéressés?

« Proposition n° 10 : Élaborer, à destination des entreprises, un code de bonnes pratiques d’association des salariés à la gouvernance d’entreprise

S’agissant des entreprises, l’État pourrait élaborer un code de bonnes pratiques d’association des salariés à la gouvernance d’entreprise, en collaboration avec les partenaires sociaux, pour accompagner les entreprises vers une « bonne gestion de dispositifs combinés ». Ainsi, pour promouvoir la mise en oeuvre de ces bonnes pratiques, il pourrait être envisagé de créer des outils de type « chèques conseils » pour les TPE/PME, pour financer le recours à des conseils externes » (p117).

« Proposition n° 11 : Mieux informer et former les salariés sur les dispositifs d’épargne salariale

S’agissant des salariés, confrontés à des décisions complexes en matière d’épargne salariale (PEE ou PERCO ? actions, obligations, monnaie ou fonds diversifiés ? sur quelle durée ?), l’État peut contribuer à leur bonne information financière : organisation de séminaires de formation, à la porté de tous » (p118).

   La lecture de ce rapport nous laisse penser que ce n’est pas avec de telles mesures que Gustave  viendra au travail avec « le cœur à l’ouvrage » alors qu’il n’obtient aucune explication sur sa feuille de paye, qu’Arlette se sentira « associée » alors qu’elle vient de découvrir que son PC avait été changé sans lui en parler, qu’Alfred considèrera « participer », sa décision sur un de ses équipiers venant d’être annulée par un de ses supérieurs hiérarchiques…

    Comme, de plus, les auteurs n’envisagent pas de créer de nouvelles obligations légales, (ce dont on peut douter à la lecture des propositions 10 et 11 !), on se demande quelle peut être l’utilité d’un tel rapport de 134 pages.

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