Les récents propos (électoralistes ?) de politiciens, affirmant la nécessité d’un retour de l’autorité, mettent en lumière un fait essentiel de la vie sociale. Il me revient une anecdote des années 70.

Chargé de cours en "psycho sociologie industrielle" à l’université, dans un amphithéâtre de 300 étudiants, je posais le sujet du jour par une question : y-a-t'il, dans l’entreprise, place pour l’autorité ?

La réponse, quoique non sollicitée, fusa : fasciste ! En 1968, avait eu lieu LA révélation-révolution : l’autorité était "l’expression la plus pure de l’aliénation humaine". Depuis, la contestation s’est propagée à tous les corps sociaux : famille, enseignement, Eglise, Etat...

Chacun sent assez bien ce que contient le mot lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il a de l'autorité. L'autorité, c'est d'abord la qualité de celui qui est auteur, cause, producteur : auteur d'un livre ou d'une invention, les auteurs de nos jours...

Dans "autorité" comme dans "auteur", il y a l'idée première de cause, de puissance créatrice qui fait croître, qui augmente. L'autorité, comme l'auteur, est source, fécondité, origine d'être et de développement, aide. Tel savant fait autorité en matière de génétique : auteur de découvertes, il augmente la connaissance scientifique et permet des progrès thérapeutiques.

L'autorité, c'est la capacité d'accroître, avec une idée de communication à autrui, de transmission: quoique génial, si le savant avait gardé ses découvertes secrètes, on ne lui reconnaîtrait pas l'autorité acquise.

L'autorité, une aide, une augmentation! Alors que toute autorité impose une discipline, qui apparaît d'abord comme contraignante. Loin d’être une objection, cette constatation confirme les propos précédents.

Car un des traits constants de la condition humaine, c'est que tout progrès s'accomplit dans l'effort : un métier, la pratique d'un sport ou d'un art demandent de se soumettre à de multiples contraintes. Le laborantin en s’obligeant à appliquer la « formule » permet une production de qualité. L'ouvrier qui respecte le mode opératoire obtiendra de façon plus facile, plus efficace, moins pénible un bon résultat.

Ainsi, l'observation permet de constater que les véritables autorités sont beaucoup plus des aides pour acquérir des connaissances, des pouvoirs, des libertés. Chacun de nos pouvoirs a sa source dans l'aide d'une autorité.

Il suffit d'observer un nouveau-né : sans autorité protectrice, quelle est sa Liberté ? L’autorité des parents lui permet d’acquérir ses premières libertés : manger, marcher, se vêtir. Toujours sous leur autorité, il apprend les lois élémentaires de la conscience et développe en lui ses facultés morales, donc ses libertés morales, sans lesquelles il resterait sauvage, brute, ou inapte à la vie sociale.

Il bénéficie des autorités scolaires pour développer ses libertés intellectuelles, puis c’est l'apprentissage d'un métier. Nouvelles autorités, nouveaux patronages... pour acquérir de nouvelles libertés, de nouveaux pouvoirs.

Qui est confronté à des situations difficiles par absence d’autorité, sait d’expérience ce qu’est la privation des libertés les plus élémentaires qui en découle. Les crises sociales qui se succèdent relèvent de la carence des autorités qui se sont mises à douter d’elles mêmes et de leur rôle : le mal est profond.

Restaurer la place de l’autorité ? Mais, dit la sagesse lyonnaise, "le difficile, c’est pas d’y penser, c’est d’y faire".

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