Les quelques commentaires qui ont fait suite aux élections prud’homales
ont rapidement été effacés par les flots d’informations que notre société de média sécrète. Et pourtant le sujet est d’importance pour près de 20 millions de salariés ! Il y a un paradoxe à relever : l’institution prud’homale donne globalement satisfaction à ceux qui y ont recours et pourtant son renouvellement semble désintéresser la quasi totalité de ceux qui sont susceptibles d’y recourir : près de 75 % d’abstentions, soit près de 7 points de plus qu’en 2002 et… 37 de plus qu’il y a 30 ans, lors des premières élections.

   Certains représentants des syndicats, comme on pouvait s’y attendre, ont mis en cause…le gouvernement, pour sa communication défectueuse ; d’autres, le fait que  les élections se déroulaient à l’extérieur des entreprises ; ce qui n’incitait pas à la mobilisation ; à l’objection qu’elles se faisaient pendant le temps de travail, il a été donné d’entendre tel militant affirmer que les patrons font tout pour empêcher les travailleurs. On a invoqué le contexte social et économique préoccupant ; l’argument ne tient pas, car il y d’autant plus de motif de s’intéresser à une telle institution que la situation multiplie les risques d’y faire appel.

   Ne faudrait-il pas voir dans  l’abstentionnisme l’expression d’une lassitude pour les consultations électorales « de masse » auxquelles sont appelés nos concitoyens, de façon permanente? Ce ne sont que campagnes publicitaires pour inciter à voter, annonces de programmes, professions de foi...Le monde professionnel est soumis aux mêmes traitements qu’imposent les politiciens en mal de réélection ! A tel point qu'il convient de se poser la question de savoir si en allant voter, on désigne des conseillers prud'homaux - c'est-à-dire des juges - ou si l'on exprime ainsi sa préférence pour telle ou telle organisation syndicale?

   Les centrales syndicales sont en concurrence, puisqu’elles sont seules pourvoyeuses de candidats . L’électeur est appelé à se prononcer, non pour désigner des juges en chair et en os, mais pour donner sa voix à l'organisation dont il se sent le plus proche.
Les élections prud'homales sont devenues en fait le test de mesure de la représentativité des syndicats : les commentaires des observateurs, de la presse et des syndicalistes eux-mêmes en sont la preuve. Le fait d'élire des arbitres, des juges, passe au second plan pour mettre en avant les porte-drapeaux d'une organisation, d'une idéologie, d'un système. Un juge - qui ne devrait se référer qu'à la loi et à son intime conviction – peut-il être à la merci  d'un syndicat, de plus dépourvu de représentativité réelle? La politisation, la compétition conduisent à l'abstention, et ce d'autant que l'électeur potentiel ne voit pas l'utilité immédiate des prud'hommes, n'ayant pas eu à y recourir.

   Bien sûr, de tels constats conduisent à mettre en cause la capacité des seules organisations salariales ou patronales à représenter les intérêts des employés ou des employeurs. Cette remise en cause est déjà dans les faits : le désintérêt pour les élections tant professionnelles que dans les entreprises - Comités d'entreprise et délégués du personnel - le prouvent.
   Une solution pourrait être de s’inspirer du mode de désignation des jurés de Cour d’Assises (cf.1) . N’est-il pas naturel de refuser une mascarade dont le résultat se manifeste de toutes façons par des élus …même si il n’y a pas d’électeurs ? Mais, élus estampillés par des syndicats dits représentatifs !


(1) cf. cpe-reseau 18/01/06 - Les Prud'hommes: éviter une justice partisane ?

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