Nous centrerons nos efforts sur la véritable finalité de notre entreprise, rendre service aux hommes : nos clients, bien sûr, puisqu’ils sont notre première raison d’exister ; mais aussi nos collaborateurs, dont la mobilisation nous permet bien des prouesses ; mais n’oublions pas fournisseurs et sous-traitants sans lesquels nous ne pouvons rien. Attentifs, nous devrions être en mesure de satisfaire nos actionnaires. Ce serait un profit chèrement acquis que celui qui se ferait au détriment des divers partenaires de l’entreprise. Elle en serait fragilisée d’autant. Certes, nous devons avoir des résultats financiers, car ils nous permettent de nous développer. Mais rappelons nous que le profit est à l’entreprise ce que l’oxygène est à la vie, il est un moyen nécessaire, pas un but…

   Nous avons en 2008 publié ces propos tenus par un patron à son encadrement. Ils prennent en ces temps une saveur toute particulière. Est remarquablement défini ce qui devrait inspirer les orientations de toute entreprise.

   Nous revenons souvent, en effet, sur l’importance des institutions et de leurs modes de fonctionnement ; tant il est vrai que de leur qualité dépend en grande partie le sort des sociétés, et des hommes en ce monde…et dans l’autre, nous enseigne le réalisme catholique. Le temps présent est une illustration du désordre introduit dans nos sociétés par le financiérisme.[1] La logique financière en privilégiant la rentabilité maximum à court terme détruit le  tissus social et économique, car elle place les hommes dans la situation où les intérêts particuliers prennent le pas sur le bien commun de la société. Sous la pression, entre autres, du marché et des fonds d’investissements, même lorsqu’ils ne sont pas parties prenantes au capital, les entreprises sont poussées à rechercher le profit immédiat maximum. Dirigeants et collaborateurs sont alors soumis à la dictature des chiffres. Sous l’exigence d’une croissance régulière et ininterrompue, les acteurs économiques sont tenus de présenter des prévisions en continuelle progression. Gare à ceux qui ne tiennent pas leurs engagements ! Car tout le fonctionnement des entreprises est orienté dans ce sens : prévisions, mise au point et révision des budgets, systèmes de rémunération et de sanctions … Lors de l’Assemblée Générale des actionnaires qui a suivi l’affaire Kerviel, un participant n’a pas manqué de souligner l’impact du mode de rémunération des traders : «quand on crée les conditions d'un gros bonus, on abaisse le seuil d'honnêteté des gens ». [2] Suite au scandale Enron, Monsieur Elie Cohen[3] remarquait : "Les dispositifs de contrôle...peuvent inciter des dirigeants rencontrant des difficultés qu'ils jugent transitoires, à adopter des comportements opportunistes qui conduisent à solliciter l'information publiée, voire à la manipuler pour minorer les risques et pour majorer les résultats affichés". En termes moins châtiés, les orientations données poussent à la magouille et à la combine. Les entreprises prennent l’allure de salles de jeux. Nous connaissons tous les effets pervers nés des systèmes de sanctions liés quasi exclusivement aux résultats quantitatifs à court terme. Les hommes sont placés dans une situation inconfortable, car ils ont à choisir : être honnêtes et se pénaliser ; ou bien tricher. Quant à l’entreprise elle est fragilisée, du fait de l’apparente prospérité qui n’a rien à voir avec les réalités. Il y a peu, on pouvait en imaginer les conséquences à grande échelle, aujourd’hui il suffit d’en cerner les causes et de revenir au réel !



[1] L’économisme en crise - Homme Nouveau 25 octobre 2008.

[2] Le Figaro.fr 27 mai 2008

[3] Professeur à Paris-Dauphine, dans une chronique du Figaro Economie

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