Leçons de management d'un Légionnaire
 
   En juillet 2013, MM. Grange et Fiorina de Grenoble Ecole de Management , Ecole Supérieure de Commerce, se sont entretenus avec le général Christophe de Saint-Chamas, commandant la Légion Etrangère. (Intégralité de l'entretien sur le site toile de Grenoble Ecole de Management)

     Ce sont, bien sûr, des propos relatifs à la conduite des hommes que nous avons retenus.

…L’officier, c’est celui qui donne du sens. Donner du sens, c’est faire comprendre au Légionnaire pourquoi il faut se lever et se raser, avoir un esprit sain dans un corps sain, puis ensuite lui inculquer les bases du métier. Ce qui implique de commencer de la façon la plus simple pour aller ensuite au plus complexe, comme lui faire sentir qu’il appartient à une communauté héritière d’une tradition sans cesse renouvelée et réactualisée, qu’il lui incombe d’incarner au quotidien et en toutes circonstances, dans la paix comme dans la guerre.
En un mot, l’officier donne la profondeur opportune. L’officier n’est pas un technicien, il doit rester un généraliste, avoir une vue synoptique de son environnement. Il lui appartient d’écouter les conseils, les avis, mais il ne doit pas être prisonnier de la technique. La technique doit être une force et non une contrainte. La technologie s’est ajoutée au métier de soldat. Mais c’est d’abord l’esprit du soldat, sa manière d’être, de penser et d’agir, qui compte. L’officier doit se servir de la technique et des ressources qu’elle offre, utiliser la gamme complète des moyens mis à disposition, et faire preuve d’une juste appréhension des situations afin de prendre au mieux ses décisions et donner ses ordres pour que la mission soit remplie.

- Pour établir un parallèle avec le management, quelles sont les qualités du chef ? Certains jeunes n’aiment pas être commandés et se révèlent être très individualistes. Comment faire accepter cette discipline qui nous apparaît, à nous civils, comme dure ?

Le style de commandement est propre à l’officier français et pas spécifique à la Légion étrangère. Ce qui est dérogatoire à la Légion, c’est le statut, il est dans la loi. L’officier est responsable de ses faits et gestes. Il doit être exemplaire, il est le porteur de la loi pour ses Légionnaires qui sont étrangers. Le jeune chef se trouve bien souvent associé à de vieux sous-officiers très expérimentés. Or, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le rôle du chef n’est pas d’être omniscient, mais de se faire conseiller et surtout de décider. Ce n’est pas dégradant d’écouter un conseil, de se fier à l’expérience des anciens. Ce n’est pas perdre son autorité que d’interroger ceux qui ont le savoir-faire technique et le vécu pour eux, autrement dit le savoir-être et le savoir-agir. Bien au contraire. Mais il incombe au chef de décider. Il écoute, il analyse, il valide ou non la proposition qui lui est faite, puis il prend la main et alors il décide. Pour ce qui est du style de commandement, à nos yeux, il repose sur cinq principes essentiels :
  exemplarité du chef,
  proximité et disponibilité,
  bienveillante fermeté,
  discipline,
  confiance et contrôle
.
Pour ce qui est du rapport à la discipline, à la Légion, il y a un principe élémentaire, qui est que l’on accepte la règle. Tout Légionnaire est volontaire. Ici, tout est cadré, y compris chaque détail vestimentaire. L’adhésion est logique et spontanée. Les règles sont expliquées aux candidats (*) qui peuvent ainsi décider de s’engager en pleine connaissance de cause. En fonction des habitudes culturelles et des conventions sociales des pays d’où viennent les volontaires – et l’on en revient là à la géopolitique – cette adaptation se révèle être plus ou moins facile. Mais plutôt que le bras de fer, et cela vaut surtout dans l’univers civil, il faut savoir faire démarrer le moteur de l’adhésion. D’abord de l’adhésion à l’objectif sur le fond (ici devenir Légionnaire, apprendre le métier des armes), que le chef va ensuite pouvoir adapter dans la forme, en ramenant peu à peu son élève ou son soldat dans l’axe choisi.

- En guise de conclusion, quels conseils donneriez-vous à de futurs cadres appelés demain à exercer de hautes fonctions de direction et d’encadrement ?

De s’inspirer de règles simples pour conduire les hommes
, en montrant soi-même toujours la voie.
Pour mémoire, permettez-moi de vous rappeler les sept points autour desquels s’articule le Code d’honneur du Légionnaire :

« 1/ Légionnaire, tu es un volontaire servant la France avec honneur et fidélité.
2/ Chaque légionnaire est ton frère d’arme, quelle que soit sa nationalité, sa race, sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille.
3/ Respectueux des traditions, attaché à tes chefs, la discipline et la camaraderie sont ta force, le courage et la loyauté tes vertus.
4/ Fier de ton état de légionnaire, tu le montres dans ta tenue toujours élégante, ton comportement toujours digne mais modeste, ton casernement toujours net.
5/ Soldat d’élite, tu t’entraînes avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique.
6/ La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout et, s’il le faut, en opérations, au péril de ta vie.
7/ Au combat tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes. »


Tout n’est bien sûr pas transposable au monde civil, mais l’on peut s’en inspirer. Donner l’exemple, avoir le souci du devoir accompli, être proche de ses équipes et fier de son entreprise, bref agir en toutes circonstances sur le principe fondateur de la Légion – avec Honneur et Fidélité – me paraît être un bon fil d’Ariane pour un cadre, un manager ou un décideur…


(*) Certaines dirigeants des entreprises associés aux activités du réseau ont la même pratique et ont à coeur surtout pendant la période d'essai, d'observer  les aptitudes du nouveau venu à s'intéresser, à comprendre et à respecter les règles et les modes de fonctionnement de l'entreprise.

Répondre à cet article