Cinq organisations syndicales, dans le secteur privé, bénéficient du privilège de la représentativité: CGT, CGT-FO, CFTC, CGC, CFDT. Une situation difficilement compréhensible si ne sont pas connues les circonstances historiques de sa mise en place. Ce n’est pas pour cela plus défendable, d’autant que ce privilège fait aujourd'hui l'objet de fortes contestations, à juste titre.

LES PRIVILEGES LIÉS À LA REPRÉSENTATIVITÉ

Seuls les syndicats reconnus représentatifs peuvent présenter en entreprise des candidats au premier tour des élections de délégué du personnel (DP) et de membre du comité d'entreprise (CE). Ces organisations reconnues nationalement représentatives sont seules habilitées à discuter avec le chef d'entreprise des modalités des élections.

Par ailleurs, ces syndicats peuvent nommer un Délégué Syndical et un Représentant Syndical au C.E et constituer une Section Syndicale. Ils ne sont pas élus mais désignés par le syndicat (extérieur à l'entreprise), parmi les membres du personnel.
Au niveau national, le label de représentativité leur attribue d'importantes fonctions consultatives et de gestion.

MISE EN PLACE DE LA REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE

Le recours à l'histoire (1939-1945) est ici nécessaire.

Les syndicats, interdits d'existence à la demande de l'Occupant, avaient rejoint la clandestinité. La CFTC et les militants non-communistes de la CGT (les communistes avaient été exclus par le gouvernement Daladier en 1939 en raison du pacte germano-soviétique, Hitler-Staline) agissaient au sein de ce qui allait devenir le Conseil National de la Résistance (CNR) pour élaborer un programme de gouvernement applicable lors de la libération du pays. Après l'attaque de l'URSS par l'Allemagne en 1941, ils furent rejoints par les communistes. Programmée par le CNR - comme toutes les institutions actuelles de représentation du personnel ou des syndicats - la représentativité fut mise en oeuvre par la circulaire Parodi (28.5.1945), sous l’égide du ministre du travail, Ambroise Croizat, communiste appelé au gouvernement par Charles de Gaulle.

Pour être représentatif, un syndicat doit satisfaire à cinq critères :
  • l'ancienneté;
  • le nombre d'adhérents;
  • la perception de cotisations;
  • l'indépendance;
  • l'attitude patriotique pendant l'occupation (et non la guerre; ce qui aurait posé des difficultés au sein de la CGT réunifiée, en raison de l'attitude communiste jusqu'en 1941). Ce dernier critère est, depuis peu, remplacé par celui « d'audience du syndicat », c'est-à-dire le nombre de voix qu'il recueille lors des élections.
A la faveur de la libération, de l'épuration et de l'entrée de ministres communistes dans le gouvernement Degaulle, les communistes dominent la CGT réunifiée (ce qui conduira au départ de la tendance minoritaire de Léon Jouhaux, et à la création de la CGT-FO en 1947). La CGT annonce alors près de 5, 5 millions d'adhérents, la CFTC, 700 000. La CGC, syndicat catégoriel né en 1944, est quasi inexistante. La représentativité lui sera reconnue en 1946.

En application des critères Parodi, il est aisé de déterminer à quelle organisation allèrent majoritairement les postes de représentation.

LA REPRÉSENTATIVITÉ AUJOURD'HUI

La représentativité fut l'objet de vives critiques. Elles sont toujours d'actualité au vu de l'érosion des effectifs des centrales dites représentatives.
  • Les critères font du syndicalisme un club fermé où ne peuvent entrer que les syndicats existants en 1945 ou issus des différentes scissions (ce que l'avenir confirmera: CGT-FO en 1947 et « laïcisation » de la CFTC devenue CFDT en 1964). On connaît le refus obstiné des centrales à accepter de nouveaux venus.
  • La représentativité conduit à ce que des candidats aux élections de DP ou de CE soient obligatoirement présentés par un syndicat national. En comparaison, dès le premier tour des élections municipales - l'enjeu est plus important - n'importe qui peut se présenter. Démocratie ?
  • Peut-on vraiment parler d'indépendance lorsque l'on sait que ces organisations, dites représentatives, fonctionnent grâce aux subventions des collectivités publiques et aux appointements de « permanents détachés ».
  • Enfin est-il normal que des questions importantes pour les salariés d'une entreprise - par exemple la négociation salariale- soient discutées avec des représentants syndicaux, non élus, alors même qu'ils ne représentent que leur centrale ?
 En attendant que soit changée la loi,
si l'on est en désaccord avec ce privilège,
il est possible de réserver son vote pour le 2e tour,
auquel toute personne peut se présenter, si le quorum n'a pas été atteint au 1er tour.

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