Syndicat majoritaire des abstentionnistes et élus- militants


Si l'institution au cours des décennies a attisé la méfiance des syndicats idéologiques, en raison du risque de "se faire récupérer par le système", aujourd'hui toutes les organisations syndicales s'engagent totalement dans les prud’homales pour y avoir le plus possible d'élus-militants : en sont la preuve les
« campagnes» menées à chaque élection. Mais l'intention de ces campagnes est-elle de marquer de l'intérêt pour le rôle des Prud'hommes ou de manifester son existence en comptant les voix?

Les réformes introduites au cours du 20ème siècle ont visé à rénover et renforcer le rôle de cette institution judiciaire:

- multiplication des conseils pour les rapprocher des justiciables;

- extension de leur compétence à tous les secteurs d'activité professionnelle;

- organisation des opérations de vote pendant le temps de travail ;

- substitution de la représentation proportionnelle au scrutin de liste majoritaire;

- suppression du monopole de candidatures au bénéfice des seules organisations dites « représentatives ».

Malgré ces atouts incontestables, ajoutés à celui d'être une juridiction tenue par et pour les membres des professions, les années passent et la désaffection pour les élections semble aller croissant.

Lors des élections, des sommes faramineuses sont dépensées tant par les pouvoirs publics que par les organisations syndicales pour inciter les électeurs à voter.

Las! Le grand vainqueur du scrutin est le syndicat des abstentionnistes tant dans le collège salariés que dans le collège employeurs.

Pourtant, à chaque fois, les « patrons» des différentes organisations se livrent à des commentaires satisfaits. Certes, toutes se maintiennent en pourcentage dans leurs positions. Magie des chiffres, si l'on considère que l'abstention est en augmentation constante. Ce qui signifie que tous les syndicats perdent des voix. On peut rappeler une élection où la liste unique « employeurs »avait obtenu 92,1 % des voix, celles-ci ne représentant que 29,7 % des inscrits! Ce qui rendait dérisoires les propos d'un responsable du syndicat patronal : « lorsqu'on est uni, on gagne! ».

Les observateurs de la vie sociale ne manquent pas de relever le paradoxe : un manque d'intérêt manifeste de la part des éventuels justiciables pour une institution judiciaire qui, dans l'ensemble, donne satisfaction. Certains ont tenté d'expliquer par la «crise» la désaffection pour ce scrutin, directement liée à la situation économique et sociale: progression du chômage, restructurations, multiplication des emplois précaires...Autant de préoccupations pour les électeurs qui relégueraient le vote prud'homal au second plan. L'explication économique n'est pas sérieuse.

Elle ne résiste pas à l'examen des faits et des résultats des élections sociales successives :

- 25,3 % d'abstentions aux élections de la Sécurité Sociale en 1947 ;

- 29,4 % à celles de 1955 ;

- 31,1 % à celles de 1962 ;

- 38,9 % aux prud'homales de 1979 ;

- 41,3 % à celles de 1982 ;

- 47,3 % aux élections de la Sécurité Sociale en 1983 ;

- 54,1 % enfin aux prud'homales de 1987.
Depuis 1992, le cap des 60 % a été franchi et s'est maintenu au desus des 65 % !

La progression de l'abstentionnisme est indépendante de l'euphorie ou du malaise de la conjoncture économique. De plus, avant les réformes de 1979 et 1982, les élections se déroulaient au suffrage universel, mais pour voter, les salariés devaient eux-mêmes se faire inscrire sur les listes électorales.Les électeurs étaient alors un peu moins d'un million et seulement un tiers des inscrits allaient voter! C'était l'ère des « trente glorieuses ». Le lien entre situation économique et abstentionnisme n'est pas probant.

Par contre, il faut prendre en considération le fait que le recours aux prud'hommes n'est pas un sujet de préoccupation quotidienne. C'est heureux ; car faire appel au droit est signe que les voies normales de bonne entente et de civilité sont obstruées. Il n'est donc pas étonnant que les personnes manifestent un certain désintérêt vis-à-vis d'une institution à laquelle ils ne pensent pas avoir à recourir.
Alors, ne peut-on trouver une cause de désaffection dans le mode de désignation des conseillers prud'homaux ?

Répondre à cet article