Travail décalé ?
Il s'agit de ces horaires spéciaux, qui ont toujours existé dans les entreprises, mais développés et diversifiés au cours des 15 dernières années.

Ainsi, les équipes fixes de nuit : dans nombre d'ateliers, les qualificatifs de "nuiteux", "chouettes" , "hiboux" ou "vampires" désignent depuis longtemps, les compagnons qui ont choisi l'activité nocturne.

Le milieu des années 80 a vu se développer le travail de fin de semaine : EFS - équipe de fin de semaine-, VSD - vendredi, samedi, dimanche - et là, les qualificatifs de "vacanciers", "clubméd" ou "relax" sont moins sympathiques!

Des avantages
  • Pour l'entreprise, cette organisation donne la possibilité de produire à plein régime, d'utiliser au maximum le matériel, afin de répondre à la demande des clients. Le tout avec des équipes de suppléance qui pallient ainsi l'impossibilité de recourir au travail en continu.
  • Pour les collaborateurs, avantages financiers et/ou temps libre permettent de répondre à des préoccupations domestiques: garde d'enfants, travaux de construction, activités agricoles annexes ou simplement loisirs.
Tout allait bien dans la mesure où, volontaire, le collaborateur trouvait son intérêt dans cet arrangement, qui servait l'intérêt de l'entreprise et réciproquement.

Mais, à la longue, se précisent les limites de ces formules.Tant pour les salariés que pour l'entreprise.

De façon générale, la nuit et les fins de semaine, les entreprises présentent un aspect tout différent de ce qui se passe le reste du temps. Pas ou très peu de services supports : il est rare de voir le RH, d'être sollicité par Mr Qualité ou confronté aux exigences du technicien méthodes. Par ailleurs, l'encadrement est réduit au maximum, confié au chef d'équipe. Comme son personnel, il a une vue très courte sur l'entreprise.

Au fil des ans, les personnes "décalées" ont de plus en plus le sentiment d'être marginalisées.
A cela plusieurs raisons : les évolutions technologiques sont de plus en plus rapides. Les outils de production sont l'objet de modifications et adaptations incessantes.Les exigences des clients sur la qualité, les délais... et les prix conduisent à faire des gymnastiques continuelles. Sans évoquer plus longuement la complexité croissante des matériels et des modes opératoires, les lancements de nouveaux produits aux caractéristiques de plus en plus sophistiquées...

Ainsi les difficultés apparaissent clairement : inadaptation du personnel qui ne peut suivre le rythme des changements, formation réduite au minimum indispensable, polyvalence et polycompétence limitées, impossibilité de participer aux démarrages de nouveaux produits, déficit d'information et communication réduite à sa plus simple expression...

Des écarts d'expérience notoires apparaissent ainsi entre salariés "normaux" - à la journée ou tournant en équipes - et salariés "décalés". Ceux-ci ne peuvent que très peu bénéficier de l'aide, des conseils, de la formation, du support des services fonctionnels.

De plus, quelle que soit la qualité de management du chef d'équipe, se développe le sentiment d'être méconnus de la hiérarchie supérieure : "Loin des yeux, loin du coeur", dit le dicton. Les potentiels sont inexploités, les capacités à affronter les nouvelles difficultés inutilisées. Il y a d'un côté les "agents de production" ou "exécutants" et de l'autre des "collaborateurs" qui participent à l'expansion de l'entreprise.

A terme, l'employabilité de ces personnes est menacée.

Mais l'entreprise n'y trouve pas plus son compte : manque de souplesse, d'adaptabilité, difficultés avec la qualité...et demain, toute une frange du personnel qu'il sera difficile de "recaser" en raison du fossé existant entre les besoins et les disponibilités.Donc, handicap de développement pour les hommes comme pour l'entreprise elle-même.

Des entreprises travaillent aux solutions. Ce n'est pas simple. La facilité serait d'instaurer le régime de travail en continu...mais toute activité ne le permet pas légalement. Faire des permutations régulières ? A voir au cas par cas, car si beaucoup de "décalés", avec l'âge, la maison construite, les enfants élevés... souhaitent revenir à des formules "normales", il est difficile de trouver dans les "normaux" des volontaires pour devenir"décalés" !

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