La question a été posée en raison de l'abstentionnisme électoral croissant.
Ne serait-ce pas le mode de désignation des juges prud'homaux qui en serait la cause
 ? En effet, ne peut-on y discerner une lassitude pour les consultations électorales «de masse» auxquelles sont fréquemment appelés nos concitoyens? Ce ne sont que campagnes de type publicitaire, pour inciter à voter, annoncer des programmes, déclamer des professions de foi...Le monde professionnel est soumis aux traitements mêmes que nous imposent nos politiciens en mal de réélection !.

A tel point qu'il convient de se poser la question de savoir si en allant voter, on désigne des conseillers prud'homaux - c'est-à-dire des juges - ou si l'on exprime ainsi sa préférence pour telle ou telle organisation syndicale?
Les centrales syndicales sont en concurrence.
L'électeur est en présence de « luttes de tendances », largement ressenties lors des « campagnes » précédant chaque vote. Il est appelé à se prononcer, non pour désigner des hommes ou des femmes en chair et en os, mais pour donner sa voix à l'organisation dont il se sent le plus proche syndicalement, voire politiquement parlant. Les élections prud'homales sont devenues en fait le test de mesure de la représentativité des syndicats : en sont la preuve tous les commentaires des observateurs de la presse et des syndicalistes eux-mêmes. Le fait d'élire des arbitres, des juges, passe au second plan pour mettre en avant les portedrapeaux d'une « politique », « les représentants d'une organisation, d'une idéologie, d'un système, voire d'un parti. ».

La tournure « politisée» et passionnée, l'aspect « compétition» conduit à l'abstention, signe de « ras-le-bol », et ce d'autant que l'électeur potentiel n'en voit pas l'utilité immédiate n'ayant pas eu l'occasion de recourir aux prud'hommes.

Parfois enfin, le vote peut être le moyen de manifester une opposition, voire une hostilité, ou même un simple mécontentement à l'égard de la politique gouvernementale.

Le scrutin prud'homal, comme toute consultation de masse, est entâché de "l'esprit de parti ". Or, l'appartenance à un courant de pensée, à telle ou telle « tendance» confère-t-elle pour autant l'aptitude à assumer la fonction de juge?

L'élection des prud'hommes au suffrage universel ne semble pas souhaitée, le taux d'abstentions le prouve ; par ailleurs, combien iraient voter si il s'agissait de prendre sur le temps de loisirs?

De plus, l'élection est-elle compatible avec ce que requiert la responsabilité de la mission? Elle exige connaissance des réalités, modération, probité, bon sens... autant de caractéristiques contraires à « l'esprit de clan», qui marque chaque campagne pré-électorale animée par des syndicats qui ne représentent pas la réalité du monde du travail. Or, l'élu prud 'homal est lié non à ses mandants réels, ses électeurs - mais à son mandant légal, le syndicat qui l'a présenté. Que penser alors de l'indépendance de l'arbitre - qui doit juger « en son âme et conscience» - s'il appartient à une centrale à la « discipline de fer» ?

Est-il normal qu'un juge - qui ne devrait se référer qu'à la loi et à son intime conviction - soit sous la dépendance d'une organisation syndicale?

Bien sûr, de tels constats conduisent à mettre en cause la capacité des seules organisations salariales ou patronales à représenter les intérêts des employés ou des employeurs. Mais cette remise en cause est déjà dans les faits : le désintérêt pour les élections tant professionnelles que dans les entreprises (élections des Comités d'entreprise et des délégués du personnel) le prouvent.

La solution pourrait être trouvée en se référant à celle qui est adoptée pour la désignation des jurés de Cour d'Assises : à partir de listes établies localement en fonction de critères à déterminer (âge, capacités, secteurs d'activités...), procéder à la nomination des juges par tirage au sort. Une telle procédure aurait pour avantage de permettre une meilleure définition des professions, et par là de multiplier le nombre des sections aujourd'hui limitées à cinq (Commerce, Industrie, Agriculture, Encadrement, et « divers »).

Ce qui pourrait donner naissance à de véritables organisations professionnelles, où patrons et salariés de la profession seraient à même de juger en connaissance de cause, bien sûr, mais aussi peu à peu de traiter des questions s'y rapportant, d'élaborer progressivement les mesures convenables, d'être facteurs d'initiatives et de propositions, dans l'intérêt de la profession et de ceux qui en vivent.

La démocratie serait sauve, puisque les gens de la profession pourraient « faire eux-mêmes leurs propres affaires », tout en faisant l'économie d'élections coûteuses et partisanes!

Le sens civique professionnel y gagnerait, la justice prud'homale aussi.

 

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