La journée fut dense pour les participants - et l’intervenant ! – de la session tenue en région lyonnaise  sur le thème Manager ou gouverner ?  L’intitulé de cet atelier de travail, organisé par le cabinet Pleins Talents (18 cours Bayard – 69002 Lyon) n’était rien d’autre qu’une provocation pour stimuler réflexion, échanges et référentiels pour l’action.

   De fait, il n’y a pas lieu d’opposer ces deux verbes, pour autant  que l’on s’entende bien sur les mots.  Si l’un évoque la tenue  du gouvernail pour donner et tenir le cap, l’autre fait référence  à la prise en main (italien, managiare  - manège, tenir les rênes), associée à l’idée de prendre soin, ménager, tenir son ménage. On le voit, il n’y a rien de contradictoire, mieux il y a complémentarité.

   Certes, sous influence anglo-saxonne, largement diffusée dans les écoles dites « de management », ce dernier a quasi exclusivement pris une connotation administrative et technique, on pourrait presque  dire bureaucratique et technocratique. Pour améliorer  performance, efficacité, profitabilité, rentabilité… notre époque a multiplié les outils et méthodes de ‘management’ : AMDEC, Hoshin, analyse de la valeur,  Kaisen, Kanban, Juste a temps, Brain stroming, cercles de qualité…On a organisé, réorganisé, modifié les structures. Les outils de gestion ont été de plus en plus précis et sophistiqués. Tout cela est bien. Mais le même esprit de système a opéré vis à vis des hommes, tant on a cru qu’il suffisait de bien administrer pour gouverner.

   Grilles de qualification, fiches de poste,  systèmes de primes et autres augmentations générales ne permettent pas aux collaborateurs de sentir qu’est appréciée et reconnue leur qualité de service ; notes de service, tableaux d’affichage, intranet  ne répondent pas aux questions liées au travail ou aux préoccupations personnelles ; ‘mémos communicationnels’ (sic !) ou ‘courriels’ ne satisfont pas aux besoins d’échanges et de concertation ; journal d’entreprise, lettre périodique ou même réunion périodique du Président ne suffisent pas à développer le sentiment d’appartenance à la communauté entreprise ; des affiches, aussi humoristiques soient elles, ne garantissent pas la sécurité sur le poste ; la mise en place d’un intéressement ou la distribution d’actions ne comblent pas le besoin réel de participation…

   Le bien fondé de tous ces outils, qu’ils soient techniques ou  administratifs, est indéniable, si ils sont partie intégrante d’une politique qui mette de la qualité dans le ménagement des hommes. Des modes de management de qualité, au service d’une politique, ont pour effet de  donner à la personne « en charge » intérêt à bien remplir sa mission, de lui laisser les pouvoirs d’assumer ses responsabilités. Cette ligne de conduite vise à respecter en toute circonstance le domaine de responsabilité confié à une personne ou une équipe; ce qui interdit  la pratique de tout court-circuit, qui n’est qu’une forme de désaveu. Mais elle impose aussi une claire vue de ce que l’on attend des managers    - chefs et personnes des services supports - ; de là découle l’importance des critères selon lesquels ils sont choisis, en faisant prévaloir les qualités relationnelles qui valorisent les personnes sur les compétences techniques ; car leur mission est d’apporter de la valeur aux autres.  Un tel principe de gouvernement ne va pas sans libérer le management des contraintes bureaucratiques qui l’éloignent de son véritable rôle, d’une part ; et sans favoriser, provoquer, voire obliger la concertation entre membres du management afin d’éviter la féodalisation, d’autre part.

 

   Partant de ces réflexions et des réalisations d’entreprises très diverses, les participants de l’atelier Pleins Talents ont travaillé sur la conception d’un support d’évaluation de la qualité de service des collaborateurs ; le résultat exprimait la ligne de conduite, la LOI de l’entreprise – gouvernement,  en même temps qu’il se voulait outil concret et pratique de ménagement des hommes.  

   Gouverner, c’est avoir une ligne de conduite – une politique – qui met chaque collaborateur en situation de trouver un intérêt personnel à bien servir l’intérêt de l’entreprise. Au manager d’en créer les conditions effectives, d’ordonner moyens et outils, de ménager  et de prendre soin des « ressources », parmi lesquelles, aujourd’hui, on classe… les personnes ! Peut être est-ce une des raisons pour lesquelles, par manque de réflexion ou souci de simplification, elles ont été « gérées » comme on gère un stock de pièces détachées ? Mais ce qui est sûr, ni gouvernées, ni managées !

 Yves Tillard 25 juin 2012

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