Le choix des termes utilisés dans les magasines à grand tirage, par les publicistes, hommes de media et politiciens…est un excellent reflet de l’état de l’opinion et des mœurs en cours.       
   Ainsi  jusque là on pouvait attendre d’une eau minérale qu'elle soit pure, équilibrée en sels minéraux, légère, à bulles ou sans gaz, digeste, inodore…Et voici qu’une marque offre en grande distribution une « eau citoyenne et responsable »( sic). Bigre ! Serait-ce meilleur pour la santé ? Les autorités auraient elles décerné un brevet de citoyenneté responsable à cette source miraculeuse ?


   Une visite sur les sites internet gouvernementaux nous rassure. Cela aurait pu être. N’a-t-on pas vu, pendant la révolution dite française, des animaux élevés à la dignité de citoyens pour services rendus à la République ! Là, rien de tel ; aux questions posées sur ce qu’est la citoyenneté, les droits et les devoirs y afférant...les réponses sont en tout point conformes à celles données par les dictionnaires. Pour le Larousse, petit ou encyclopédique, le Littré ou le Robert, petit ou grand… le mot citoyen, qu’il soit nom ou adjectif, ne s’applique qu’au genre humain, mais ni aux choses ni aux bêtes, hormis avec un sens humoristique. Il en est de même du mot responsable, qui, lui, n’admet pas la plaisanterie, tant la chose semble sérieuse. Membre participant, intégré et reconnu de la cité, le citoyen se distingue par une attitude civique . Quant au responsable, parce qu’il est chargé de quelque chose ou de quelqu’un, il doit répondre de ce dont il a la charge – hommes, animaux ou biens - de ses propres actions ou de celles des autres ; il est garant au point de supporter les conséquences heureuses ou malheureuses de ce dont il est responsable. En d’autres termes, la responsabilité est inséparable de la notion de sanction, qu’elle soit positive ou négative.


   A partir de ces définitions élémentaires, accessibles au simple bon sens, parce qu’issues de l’observation des faits, on se demande de quoi peut être chargée l’eau venant des Pyrénées ariègeoises, à part des qualités salutaires ou au contraire des nitrates, odeurs ou impuretés …Est-ce l’absence de ces caractéristiques qui lui vaut le titre de citoyenne responsable ?


   De fait, nous sommes en présence de ces expressions vertueuses, de ces mots magiques, de ces incantations quasi religieuses qui gouvernent les esprits de nos contemporains. Il n’est qu’à consulter l’expression citoyen responsable sur internet pour obtenir…360000 données ! Nous sommes invités à passer un été citoyen et responsable, à avoir une conduite automobile citoyenne… ; a contrario, ne pas participer au téléthon, s’opposer à l’avortement, refuser l’Europe de Bruxelles…vous fait classer dans la catégorie du barbare irresponsable.


   Tout cela procède du politiquement correct
qui agit, suite à un bombardement continu des média, à la manière d’un nuage radioactif ; par contamination, progressivement, sans qu’ils en soient conscients, les utilisateurs répètent à propos de n’importe quoi des phrases toutes faites, insensées au regard du sujet abordé et des mots employés. Ainsi apparaissent des mots-vertu et des mots-poison qui  transforment l’homme en mouton de Panurge ou en chien de Pavlov. Il fait où on lui demande de faire : il est bien dressé.
   C’est un signe de décadence de l’esprit critique et donc de l’intelligence.  La manipulation des esprits par le langage est arme de guerre
[1]. Les illustrations ne manquent pas dans d’autres domaines que la publicité.



[1]  Voir l’œuvre de Vladimir Volkof.

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