A la veille des transhumances estivales, un hebdomadaire économique exhortait les français à faire preuve de « sens du service » à l’égard des touristes.

Une fois encore, est évoquée l’idée que les Français n’auraient  pas le sens du service. Cette affirmation fait partie de ces phrases à l’emporte-pièce, agaçantes, parce qu’elles procèdent d’un manque de réflexion, d’une ignorance des faits et aboutissent à un effet culpabilisateur.

Les grandes découvertes scientifiques et technologiques, les fondations missionnaires, les innombrables institutions de secours, d’assistance aux malades et aux prisonniers, les œuvres d’éducation sur tous les continents, pour ne citer que les plus notoires ne sont elles pas des manifestations éclatantes de l’esprit de service ? L’histoire de notre pays en témoigne : affirmer que les français n’ont pas le sens du service c’est ignorer tous les trésors de générosité, de dévouement, de grandeur d’âme qui les ont poussé à donner le meilleur d’eux-mêmes au service des autres.

Il y a quelques années, je participais à une réunion de travail avec une entreprise. Une salle avait été réservée dans le château appartenant à une famille aristocratique. En l’absence des propriétaires, la réception était assurée par une gouvernante. Au cours du petit déjeuner, notre hôtesse répond aux multiples questions. « Il y a sept générations que ma famille est au service des N. », lâche-t-elle avec autorité, et elle poursuit : « Ce qui me navre, c’est que mes enfants ne veulent pas prendre ma suite ». Elle regagne la cuisine, panier de viennoiseries en mains. Autour de la table, la discussion jaillit. Quelle mentalité arriérée ! Quel manque d’ouverture ! Ne faudrait il pas rejouer 1789 ? Etre au service ! Ne sommes nous pas dans une société de liberté et d’égalité ?

Et voilà que surgit à nouveau le dogme égalitaire dont toutes nos communautés et les personnes sont pénétrées depuis plus de deux siècles.

Une société qui se donne pour idéal « l’égalité » ne peut que mettre à mal le « sens du service ».

Comment pourrait on accepter d’être « au service » des autres lorsque l’on est tous égaux ? S’il y a égalité et ressemblance, sur quoi fonder les échanges de services ?

Sous l’influence de l’idéologie égalitaire, « être au service » a pris le sens d’asservissement ; celui qui s’est « mis au service » de quelqu’un a aliéné sa liberté, il est « inférieur », donc dominé. Histoire vieille comme le monde ! L’orgueil ne peut le supporter : je ne servirai pas. Ce sont là les mots de l’ange révolté contre Dieu, dit la Bible. Le refus de servir : toute l’histoire des  vicissitudes sociales en découle.

Regardons les faits. Il n’y a de société vivable et prospère que fondée sur la réciprocité des services. Chacun est doué de qualités et aptitudes diverses. La « spécialisation » du fait de l’éducation, ne fait qu’accroître ces différences. Ces inégalités permettent à chacun de mettre ses talents au service d’autrui. La complémentarité qui en découle est source de progrès de toute nature.

La reconnaissance de la qualité de service doit donc être une pièce maîtresse de la politique d’une entreprise qui tend à l’efficacité et à la pérennité.

Le service est le fondement de la vie sociale. Refuser de servir, c’est retourner à l’état sauvage, car c’est fuir toute relation avec les hommes. Comme un sauvage. C’est se vouer à l’inefficacité. De fait, celui qui refuse de servir, ne sert à rien. On le (re)jette.

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