« Aujourd’hui, les gens organisent leur travail autour de leurs loisirs ! » : répartie désabusée d’un dirigeant qui souligne, non sans humour, le degré de ‘non motivation’ que connaissent certaines entreprises.
   Au delà des influences extérieures (société de loisirs, 35 heures et RTT…), ne serait-ce pas la conséquence d’une conception erronée de ce qu’est spécifiquement le travail humain et partant, des conditions dans lesquelles il se pratique ? Quotidiennement vécue, cette réalité doit être bien complexe, "le Robert" y consacrant 4 pages du dictionnaire !

   Une des définitions, "fait de produire un effet utile par son activité", semble expliquer le sens très étroit qu'a pris le mot. En ce sens, une machine travaille; on attend de la mécanique, des rouages ou des connexions que soit rigoureusement  suivi le programme prévu : une machine prenant des initiatives inspire  films d'épouvante et de science-fiction !
Nul doute qu'un animal puisse travailler. Mais a-t-on déjà vu bœuf tirant charrue, parvenu en limite de champs, se retourner pour contrôler l'alignement du sillon ? Si tel était le cas, sa dépouille, soigneusement embaumée, devrait rejoindre le musée de l'Homme.

   Ces exemples conduisent à cerner ce qu'est le travail humain, c'est à dire  qui correspond à la spécificité de l'homme. La philosophie classique a mis l'accent sur la faculté qu'il a de penser, ce qui lui permet de connaître,  de juger, d'anticiper, d'agir, de contrôler : l'homme, "animal raisonnable".
   On disait d'un enfant qu'il "n'a pas l'âge de raison", aujourd'hui, qu'il est "immature", tant qu'il n'est pas en mesure de prévoir les conséquences, même immédiates, de ses actes : jouer avec le feu, se pencher sur le vide...Par ailleurs, on dit que le fou et le colérique  "perdent la raison ", ils ne peuvent plus se contrôler.

   Ainsi, le travail perd toute caractéristique humaine dès lors qu'il consiste à réduire l'activité de l'homme à la seule exécution, à l'instantané, au présent. "Ensemble des activités humaines coordonnées en vue de produire ce qui est utile ; situation d'un homme qui agit avec suite en vue d'obtenir un tel résultat." Cette autre définition du Robert confirme que le travail humain englobe aussi une activité antérieure et postérieure à la réalisation.

   Le travail n'est plus humain lorsque l'activité est seulement dans l'instant, coupée du temps "avant" et du temps "après".

   Ce qui permet de saisir l'erreur commise du fait de certains systèmes d’organisation. La séparation entre la pensée, l'action et leurs conséquences a conduit à ce que "la matière sort anoblie de l'atelier pendant que les hommes en sortent avilis". Les modes de fonctionnement engendrés par ces organisations les ont démuni de tout pouvoir réel pour maîtriser ce dont, pourtant, ils subissaient les conséquences. Faut-il s'étonner alors de la "perte d'intérêt au travail", voire des conflits ?
  
   La complexité et l'affinement des techniques exigent de plus en plus la spécialisation. D'où la nécessité de faire travailler les gens ensemble (équipes pluridisciplinaires, groupes-projets...) pour que ne soit pas gaspillé tout le potentiel des hommes au travail et compromise l'efficacité de l'entreprise.

   Quelles que soient les fonctions et les responsabilités exercées, il importe que toutes les facultés intellectuelles de chacun soient mobilisées : sens de l'observation, mémoire, intelligence, imagination. C'est la première condition pour que le travail de l'homme ait un sens et soit fécond dans la durée.


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