Dans tous les domaines, l’action efficace économise les moyens. Ainsi, l’entreprise cherche à améliorer sa compétitivité en optumisant l’usage fait de chacune de ses ressources. Des actions sont menées pour économiser la matière, l’énergie, les manutentions; pour peser sur les prix d’achat; pour réduire les stocks, les cycles, les délais... De telles démarches cherchent à tirer le meilleur parti des caractéristiques, générales ou spécifiques, de chaque ressource.

    Après avoir été force de travail, puis main d’œuvre, le personnel est maintenant ressource humaine. Il est certes intéressant de constater que les hommes ne sont plus seulement une charge. Mais ce nouveau concept, malgré son intérêt, risque d’induire en erreur. Il peut, en effet, nous inciter à ne voir, dans cette ressource, que les caractéristiques communes à toutes les autres : coûts de mise à disposition, d’utilisation, voire de cession.

 Le dilemme actuel.

    Les frais de personnel correspondent souvent à un poste important du compte de résultat. La minimisation de ce dernier est actuellement le souci de bien des responsables. En période de profonde récession, on ne voit pas comment faire autrement, même si on est certain qu’un jour ou l’autre, les affaires repartiront. Alors, les hommes sont souvent gérés, eux aussi, en flux tendu. Des résultats peuvent ainsi être obtenus. A court terme. Mais si de telles décisions sont incontournables, c’est d’abord parce que les dirigeants n’ont pas su, pas pu ou pas voulu prévoir.

    Ce mode de gestion entraîne une démotivation qui, aujourd’hui, touche même les cadres supérieurs. L’entreprise devient vulnérable aux tourbillons sociaux. Ils semblent lointains ? Peut être moins qu’on ne l’imagine. En tout état de cause, la baisse de tonus des hommes au travail coûte cher. Une évaluation de cette déperdition donne des valeurs qui peuvent atteindre 30 à 40% du potentiel humain. Et pourtant, surtout  au creux de la vague, il est nécessaire d’obtenir des hommes l’adaptabilité, la mobilité, la réactivité, la polyvalence, l’engagement, ...  indispensables pour que l’entreprise réponde aux défis qu’elle affronte.

 Quatre caractéristiques de la ressource humaine.

    La ressource humaine a des caractères spécifiques qu’il faut prendre en compte si l’on veut optimiser son efficacité. Quels sont-ils? L’expérience et la réflexion en montrent plusieurs. Nous nous limiterons à quatre qui nous paraissent importants.

 1* Les collaborateurs constituent une ressource qui peut à la fois être présente et absente. Physiquement présents ils perdent leur efficacité si leur esprit "est ailleurs", préoccupé par diverses questions. Si, au contraire, ils se passionnent pour leur travail, ils trouveront des solutions même pendant leur absence des lieux de travail.

   Susciter l’intérêt au travail, concevoir l’organisation du travail pour donner à chacun une tâche qui lui paraisse digne de ses efforts sont des actions qui sont rentables financièrement et  humainement gratifiantes. Il est vrai que cela demande aux chefs d’exercer leur imagination, leur intelligence...

   Dans ce même ordre d’idées, il est intéressant même financièrement d’aider l’homme quand il est confronté à des problèmes privés qui le préoccupent trop fortement. Pour répondre à l’objection de paternalisme, un patron résumait le problème : « On est ou paternaliste ou salaud. J’ai choisi. Je ne veux pas être un salaud. »
2* Toutes les autres ressources se consomment quand on les emploie. La ressource humaine peut certes "se consommer", mais elle peut aussi se développer et se perfectionner dans et par l'exercice de sa profession.

    Les actions concernant la formation permanente, l’apprentissage, la délégation progressive la responsabilisation, l’initiative favorisée, etc. sont des manières de tenir compte de cette réalité. Il y en a d’autres. Dans certaines entreprises, les dirigeants l’ont compris. Les entreprises ont alors un fonctionnement tel que les hommes qui y travaillent voient se développer leurs compétences, s’affirmer leurs potentialités, se développer leurs personnalités. Elles peuvent être dites anthropogènes

    D’autres entreprises sont, au contraire anthropophages. Les hommes qui y travaillent se voient confinés dans des tâches sans intérêt, leurs potentialités sont étouffées, les personnalités nivelées. De telles entreprises doivent produire ces humains quasi détruits que les anglo-saxons qualifient de « burn out ». En France on dit « vidés »

    Une saine utilisation du potentiel humain suppose un fonctionnement anthropogène pour tirer  parti d'une telle caractéristique.
3* La ressource humaine n’est pas acquise une fois pour toutes. La machine achetée appartient à l’entreprise. Cette dernière peut, pour différentes raisons, tarder à l’utiliser. Au jour et à l’heure où les hommes l’utiliseront, la machine se remettra à fonctionner. De plus, si elle est correctement utilisée, elle aura les performances attendues. Au contraire, on ne peut laisser les hommes de côté et brusquement décider qu’ils doivent s’impliquer dans un projet décidé sans eux, loin d’eux, et quelquefois sans retombées positives en ce qui les concerne.

    Cette caractéristique demande d’avoir le souci constant d’impliquer les hommes dans les actions qui leur sont demandées. Or l’intérêt du travail n’est pas seulement financier. Il est d’abord psychologique. Passer d’un objectif à l’autre, quand le premier est quasiment atteint, n’est pas de tout repos... pour le chef.

 4* La ressource humaine est celle qui permet l’utilisation de toutes les autres. Elle programme les machines, les fait fonctionner, les surveille, les entretient. Elle prépare les investissements, place l’argent disponible...    Elle est donc la ressource la plus importante.

 Réaffirmer le rôle de la hiérarchie.

    Certaines décisions malheureuses au sein de nos entreprises peuvent actuellement s’expliquer. Les financiers qui gèrent l’entreprise ont une perception insuffisante des spécificités de la ressource humaine. Ils ravalent cette ressource à son coût financier. On assiste à une gestion des hommes en flux tendu. Des résultats peuvent être obtenus à court terme. Mais le coût ultérieur, dû à la démotivation, ne peut pas être pris en compte dans ce concept. Il n’entre donc pas dans le calcul... qui en est faussé d’autant..

    Le véritable objectif est, en fait, d’en optimiser l’emploi. C’est le rôle de la hiérarchie. En prenant en compte les aptitudes, elle gagne en efficacité. En proposant des actions qui nécessitent de la part de chacun l’actualisation de ses potentialités, elle développe les hommes dont elle dispose. Ce faisant, elle les dynamise davantage. Cela demande un esprit de finesse (permettez moi cette expression) au-delà de l’esprit de géométrie. Cela demande des responsables doués de ce charisme particulier qu’est l’autorité naturelle.   

    De plus si cette hiérarchie obtient l’engagement de tous, les performances seront nettement plus fortes. Un directeur exprime cette idée en disant : "Pour les pièces produites, un et un font deux. Pour l'efficacité des hommes au travail, un et un font un résultat compris entre moins deux et plus quatre. Cela dépend du mode de management." 

    C’est, à long terme, la seule voie de progrès.

André Frament

 

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